-
Bruno Devauchelle - François Jarraud
-Roland Petit - Des publications pour
mieux démarrer 2003Pour ce dernier
numéro de l'année 2002, cinq parutions
nous ont amené à rédiger ces quelques
lignes de présentation.
Sous la direction de Jérome Bourdon et
Jean Michel Frodon, "l'oeil critique, le
journaliste critique de télévision" (de
boeck Bruxelles 2003). Cet ouvrage peut
sembler lointain des préoccupations du
pédagogue et pourtant il risque de
s'avérer essentiel pour tous ceux qui
veulent vraiment travailler l'image dans
leur classe. En essayant d'expliquer le
travail du journalisme critique de
télévision les auteurs rassemblés dans
ce livre nous permettent de comprendre
la difficulté de la critique de
télévision, ses partis pris et ses
enjeux. Pour tous les enseignants
lecteurs de ces critiques (le Monde,
Télérama, le Figaro etc...) cet ouvrage
permettra de prendre la mesure de ce
qu'est ce travail, de ses démarches et
ainsi de pouvoir aller au delà de ces
mêmes critiques lues parfois sans
discernement. Initier des élèves à la
critique c'est aussi comprendre ceux qui
en font métier. Voilà une véritable
occasion de s'y mettre, surtout au
moment où la télévision est attaquée
pour ses effets....
Michel Arnaud et Jacques Perriault "Les
espaces publics d'accès à Internet"
(education et formation Puf Paris 2002)
Cet ouvrage a le mérite d'aborder un
problème important : que fait-on
réellement dans les espaces publics
d'accès à Internet ? En fait derrière
cette question se pose un problème
essentiel : suffit-il d'équiper et
d'initier ? A cette question les auteurs
répondent clairement non. De fait réduire
la fracture numérique ne se réduit pas à
une manipulation technique mais bien à
des usages sociaux. Or là les choses
sont difficiles, d'abord à cause de la
labilité des politiques publiques, d'une
part, et à l'incertitude dans laquelle
évoluent ceux qui ont en charge
l'accompagnement des usagers. Savoir
répondre à des besoins réels et apporter
quelque chose d'utile aux personnes qui
abordent Internet est essentiel pour
assurer la pérénité des compétences. On
s'est souvent satisfait à l'école comme
en dehors des chiffres des
installations, mais encore trop peu des
usages réels. On pourrait se satisfaire
d'un nombre de PIM (Permis informatique
et multimédia) distribués. Là encore
cela est nettement insuffisant. Il faut
rendre possible un usage intégré à des
modes de vie, c'est alors que ces
espaces deviennent pertinents, encore
faut-il que les décisions politiques
aillent jusque là!
Marie Duru-Bellat, "les inégalités
sociales, génèse et mythes (education et
formation Puf Paris, 2002)
Deux phrases caractérisent bien cet
ouvrage : "si les enjeux de l'éducation
sont définis exclusivement en termes de
productivité économique ou de mobilité
sociale, il n'est pas certain que les
politiques d'expansion continue des
systèmes éducatifs soient justifiéesn
sous leur forme actuelle dans les pays
dévéloppés du moins. Mais on peut
appréhender de manière sensiblement
différente la contribution du système
éducatif à la justice prévalent dans la
sociét, comme y invietnt la philosophie
politique et les théories de la justice.
Ainsi, plutôt que de se focaliser sur le
rôle de l'école en matière de mobilité
sociale, (...) on pourrait s'intéresser
davantage à l'égalité des expériences
scolaires ou à une égalité de résultat
définie comme l'atteinte par tous d'un
niveau minimum commun dont la valeur
serait intrinsèque et non distinctive".
En d'autres termes, cet ouvrage arrive à
point nommé dans le débat sur le collège
unique. Marie Duru Bella dont l'approche
analytique et quantitative est le point
d'entrée nous permet de dépasser les
querelles de surface et nous invite à la
rigueur. Pas seulement celle des
chiffres, mais surtout celle du projet
réel de l'éducation qui au delà de
simple chiffre sait que chaque individu
est une trajectoire originale qu'il
convient de ne jamais réduire aux seuls
regards macro sociologiques, mais plutôt
de mettre en évidence en relief de ce
regard. Un relief qui peut sembler
parfois très inquiétant en ce moment !
Philippe Meirieu "Repères pour un monde
sans repères" (Desclée de Brouwer Paris
2002)
Saluons dans cet ouvrage le courage
simple de nous rappeler à nous adultes,
nos responsabilités. Et pas n'importe
quelle responsabilité, celle d'éduquer.
Car au travers des exigences exprimées à
la fin de l'ouvrage c'est d'éducation
qu'il s'agit. Par la mise en perspective
de chroniques du "quotidien" parues dans
La Vie, l'auteur invite le lecteur a
faire du lien entre la vie de tous les
jours et le sens que l'on peut y lire en
matière d'éducation. Cet ouvrage qui
s'adresse à tous les acteurs de
l'éducation, et pas seulement à l'école
nous amène aussi à considérer que l'acte
d'éducation est d'autant plus difficile
aujourd'hui qu'il est plus facile de
tenir de grands discours et de jeter des
jugements dans les médias que de
s'engager dans une "analyse de
pratiques" révélatrice du sens. Ce sens
que souvent nous oublions d'y voir pour
mieux écouter les "nouveaux maîtres à
penser". Philippe Meirieu réussit à se
dégager de cette posture dans laquelle
nombre de ses adversaires ont tenté de
l'enfermer. Cet ouvrage est accessible à
tous ceux qui pensent qu'éduquer est
avant tout affaire de quotidien
réfléchi.
Le numéro 6 de Médiamorphoses avec comme
dosier principal "Quand les images
rencontrent le numérique" (INA Novembre
2002). Numéro paradoxal qui s'ouvre sur
une confrontation entre chercheurs sur
la question "télévision média de la
parole" et qui se poursuit sur la
question de l'image numérique. Comme si,
sans le faire exprès, cette revue avait
mis en scène dans ce 6è numéro les deux
extrèmités de l'audiovisuel renforçant
ainsi la question. L'émergence de
l'image numérique serait-elle l'annonce
de la diminution de la place de l'oral,
de la parole ? Comme si tout ce
mouvement n'était que le signal d'une
société dans laquelle la parole est en
lutte contre l'image. En tout cas des
question à explorer à partir de la
lecture de ce numéro.
- Cédérom L'actualité en revuesLe CRDP
de Montpellier nous a habitué à de bons
outils de documentation. Ce cédérom ne
faillit pas. Il nous permet de disposer
sur un simple disque de silicium de
milliers d'articles, à savoir : les
numéros des revues "Problèmes
économiques", "Problèmes politiques et
sociaux", "Regards sur l'actualité" de
janvier 1998 à décembre 2001 ainsi que
les "Cahiers français" de janvier 1998 à
décembre 2000. Ce sont bien 4 années
d'informations couvrant l'économie, les
problèmes de société, la vie politique
dans le monde qui sont ainsi
accessibles.
Le cédérom dispose d'un outil de
recherche à la fois puissant et très
simple d'emploi qui nous semble amélioré
par rapport aux autres cédéroms du CRDP.
Les élèves arrivent très rapidement à
l'utiliser. Il permet une recherche par
expressions, par thèmes, par revue. ou..
le cumul des trois. Les fonctions
d'édition sont également très complètes.
L'élève peut sauvegarder l'article en
HTML ou au format Word. Il dispose d'un
calepin où ranger des signets
personnels. La navigation entre les
articles a été réfléchie : accès au
document parent, aux articles du même
numéro etc.
Ce cédérom rendra de grands services en
ECJS où il constituera une source
d'information remarquable. Il sera
également précieux pour les cours de SES
ou de géographie. Il est tout autant
indispensable au CDI où il permet
d'exploiter de façon fine, avec un gain
de temps remarquable, les revues de la
Documentation française.
Nous en recommandons vivement l'achat
François Jarraud
L'actualité en revues
Cédérom du CRDP de Languedoc-Roussillon
& La Documentation française
Nécessite un compatible PC avec Windows
98, 2000, Me, NT ou XP.
Le CRDP propose également un abonnement
aux mises à jour annuelles.
http://www.ac-montpellier.fr/crdp/servic
es/prod/DF/cddf.html
- Edidoc Géographie Comment faire faire
des cartes aux collégiens ? Et de quelles
cartes ont-ils besoin ? Ce sont ces
questions qui ont du guider les auteurs
du cédérom Edidoc Géographie. Ils nous
proposent un logiciel sans prétention
mais censé coller aux pratiques de
terrain.
Avec ce logiciel, les élèves et
l'enseignant peuvent réaliser rapidement
une carte de la répartition de la
population en France, d'une région
française ou d'un phénomène mondial. Il
suffit de sélectionner d'un clic rapide
les éléments que l'on veut représenter.
Ainsi l'enseignant peut imprimer chez
soi des cartes muettes ou légendées des
grands thèmes du programme. L'élève peut
réaliser en classe le même travail. Un
certain nombre de croquis (pyramides des
âges, cycle de l'eau etc.) complètent ces
cartes dans le même esprit.
Evidemment, la démarche est des plus
simple. Il ne faut pas chercher dans ce
cédérom d'apprentissage de la
discrétisation ou du croquis, ou de
réflexion sur les choix de
représentation. Inutile aussi d'y
chercher une signalétique inteligente,
voire des cartes orientées...
L'outil est simple. Il correspond à une
approche traditionnelle de la géographie
et de la cartographie, celle qui préfère
la carte du calendrier des Postes aux
productions Reclus.
Cependant il pourra rendre service, par
sa simplicité même, en classe ou à la
maison, de l'école aux toutes premières
années du collège.
François Jarraud
Edidoc Géographie, édition SMS, 91
Villejust.
F. Dubet : Le déclin de l'institution
Vie et mort de l'institution (au sens
général) ? Quid de l'institution
scolaire ?
L'idée d'institution serait elle en
déclin, comme le prétend François Dubet
dans son dernier livre ? Il creuse là un
sillon sociologique plus austère que
celui de l'analyse de l'école que l'on
connaît (1) et continue et clôt ( ?) un
triptyque qui représente son oeuvre
(2).
Selon la définition du concept que l'on
met " en entrée " de son analyse, on
trouve une analyse ou une autre.
Autrement dit, on peut interroger
utilement le concept d'institution
devant l'analyse de Dubet. Ce dernier
réunit des groupes de travail et lie
analyse et réparation des difficultés...
chacun de ces livres est un récit de la
manière dont il rend les acteurs
institutionnels ethnologues de leur
propre pratique et analystes de leur
pratique dans l'institution. On n'est
pas dans les indicateurs statistiques
(3) à la Bourdieu. " L'acteur est le
système (4). "
Dans ce livre, Dubet assigne un sens
simple et efficace, restreint au concept
d'institution : plutôt l'idée
d'institution, avant tout un " programme
institutionnel ", programme pris dans un
sens biologique : au départ, des valeurs
perçues comme universelles forment les
individus, ces individus ayant intégrés
à la fois ces valeurs et la façon dont
elles ont été mises en place dans la
société font fonctionner les
institutions. L'individu devient sujet,
à la fois conforme, adapté, et capable
de critique, de " dissidence ". Ce
programme implique, c'est-à-dire assure
(en aval) et suppose (en amont) une
certaine cohérence de la société. De par
l'aspect universel des valeurs,
l'institution est liée à l'Etat et a
pour objet principal le " travail sur
autrui ". Ce programme institutionnel ne
fonctionne plus vraiment. Que faut-il en
garder, pour rester dans une société
démocratique vivable ?
Cette unité de la société créée par le
programme institutionnel et qui lui est
nécessaire en préalable s'est éclatée en
des ensembles plus nombreux et
contradictoires dans lesquels les
acteurs sociaux ne savent plus où
prendre leurs repères. La multiplicité
des objectifs, l'enchevêtrement des
demandes sociales, la multiplicité des
classes sociales, les réseaux, le flux
continuel d'informations, la force des
appartenances identitaires constituent
la société en une mosaïque de tribus, ce
qui fractionne aussi les individus.
Chacun doit se constituer sa propre
boussole. Le miracle de la
subjectivation des individus conjointe
avec leur socialisation, cet ancien
pacte est caduc. Le programme
institutionnel n'est plus la
constitution de la société : les
individus entendent bien faire entendre
leurs droits personnels contre la
contrainte collective.
Ce déclin de l'institution s'apparente,
on le voit à la perte des grands récits,
mais François Dubet préfère parler de
modernité tardive, plutôt que de
post-modernité. Les subjectivités
s'échauffent les unes contre les autres
: " les professionnels pensent que les
élèves, les malades et les " clients "
les menacent ; les élèves, les malades
et les " clients " pensent que les
professionnels les méprisent. "
Chaque institution a sa façon de
recevoir ce déclin, d'y participer et de
réagir : l'école n'est plus un
sanctuaire. L'école primaire s'en sort
plutôt bien, elle a un vieux socle
républicain, une participation
fondamentale à la création de la
République, n'est pas trop atteinte et
accompagne bien le mouvement. Le
secondaire en est plus affligé. Le débat
tourne beaucoup autour du regret de cette
période bénie où le programme
institutionnel fonctionnait bien. La
massification bouleverse le métier. La
compétence disciplinaire est
insuffisante, il y faut rajouter de la
pédagogie... les professeurs doivent
motiver les élèves, créer les conditions
pour faire cours. Les travailleurs
sociaux, les médiateurs sont touchés
aussi par cette perte du programme
institutionnel. Pour les infirmières
(5), la relation au malade s'estompe et
est remplacée par une technicité des
gestes à accomplir. En même temps, le
malade, comme partout devient un usager,
consumériste, et sa souffrance est
reconnue, ce qui augmente la "
bureaucratie ", l'information sur les
soins, la trace des actes médicaux...
Les infirmières n'ont pas la nostalgie,
comme les professeurs, d'un âge d'or,
cependant elles se sentent en crise, en
manque de reconnaissance...
Il est plus difficile de dire comment
traiter cette nouvelle forme de
socialité. Cela appartient à l'avenir, à
une longue suite de décisions et
d'actions qui feront la plus ou moins
grande maîtrise de cette évolution. Le
travail de socialisation continue dans
ces formes d'actions plus éclatées.
L'hypothèse de François Dubet est qu'il
repose sur un principe d'homologie des
expériences du professionnel et du
socialisé, le travail sur autrui est
devenu un travail comme les autres,
moins soumis à la " vocation " qu'à la
technicité. Il faut peut-être bâtir des
institutions démocratiques de petite
taille, fondées sur un métier reconnu,
en évitant trois voies sans issues : le
retour de l'autorité, (c'est la tendance
de notre nouveau gouvernement), le
libéralisme, et le droit. La dernière
page du livre, métaphorique, nous invite
" à faire de la musique ensemble tout en
restant soi-même ", et à opter plutôt
pour les petites formations de jazz que
pour les grands orchestres
symphoniques.
On pourrait voir dans ce déclin
l'accomplissement du destin des
institutions ou encore leur extension à
tous les domaines de la singularité, le
déclin comme déclinaison, éparpillement,
répartition, percolation... et en même
temps cette perte d'intensité est une
dilution, et l'idée du programme
institutionnel s'est glissé dans tous
les interstices de la vie privée.
Goffman (6) voyait dans les "
institutions totales " un état maximal
de l'institution, un but et un modèle
pour elles, englobant les individus au
point de nier leur singularité. La
société en serait en un état inverse
dans lequel chaque personne se sent en
contrat synallagmatique pour employer le
vocabulaire juridique avec des "
structures ", le modèle devenant la
négociation, le commerce, même au sens
classique de ce mot que l'on trouve dans
Molière par exemple. D'où le Libéralisme,
la mondialisation libérale... comme objet
des nouvelles luttes.
Roland Petit
François Dubet, Le Déclin de
l'institution , coll. "l'Epreuve des
faits", Seuil.
Notes :
1- L'hypocrisie scolaire, Pour un
collège enfin démocratique avec
Duru-Bellat Seuil 2000
2- " sociologie de l'expérience " Seuil
1984 et " Dans quelle société
vivons-nous ? " avec Danilo Martucelli
Seuil 1998
3- René Lourau L'état-inconscient
Editions de minuit " des indicateurs aux
analyseurs "
4- François Dubet Sociologie de
l'expérience Seuil 1994 (de p 21 à p 50)
5- Anne Perrault-Solivères, Infirmières.
Le savoir de la nuit. Le Monde PUF 2001 "
L'hôpital institue le malade et la
maladie... "
6- Goffman Asiles (1961) Editions de
Minuit 1968