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Bruno Devauchelle, Jacques Nimier,
Caroline d'Atabekian - - Éduquer pour
l’ère planétaireÉduquer pour l’ère
planétaire, Edgar Morin, Raùl Motta,
Emilio-Roger Cuirana, éd. Balland, mai
2003.
Ce qui est surprenant dans ce dernier
livre signé Edgar Morin, c’est
l’inadéquation du titre : s’il est
largement question de la mondialisation,
en revanche les rares considérations sur
l’éducation elle-même, question qui
pourtant prétend justifier l’ouvrage,
apparaissent de manière très clairsemée
sur le début et sur la fin. On le savait
depuis La Tête bien faite et Les sept
Savoirs nécessaires à l’éducation du
futur : Edgar Morin se répète, ce qui
n’enlève rien au monument que constitue
La Méthode. Mais la nouveauté, c’est que
ce n’est plus lui qui se répète : en
effet, s’il signe la préface de
l’ouvrage, on reconnaît davantage dans
le reste du texte les avatars de La
Méthode que son propre style. La pensée
complexe a fait des émules, et les
auteurs, s’ils n’ont pas toujours la
verve du maître, promettent longue vie à
son oeuvre.
Trois parties très distinctes composent
l’ouvrage : la première, intitulée
justement « La Méthode », fait l’éloge
de l’erreur dans le chemin vers la
connaissance ; décidément rien de très
nouveau depuis Philippe Meirieu et
Jean-Pierre Astolfi, mais avec le charme
des formules moriniennes (qui se cite
lui-même en l’occurrence !) : « La plus
grande erreur serait de sous estimer le
problème de l’erreur ». Ce n’est pas
encore dans la seconde partie que l’on
découvrira du nouveau, puisque celle-ci
est une vaste tentative de
(re)définition de la pensée complexe, ou
le fait « d’assumer rationnellement le
caractère inséparable de notions
contradictoires pour concevoir un même
phénomène complexe ». Quant à la
dernière partie, elle consiste en un
long historique montrant comment, en
cinq siècles, depuis la découverte de
l’Amérique, nous avons vécu « l’âge de
fer » de la mondialisation, pour en
arriver depuis les années 1990 à « l’ère
de la planétisation », terme qu’il
préfère pour désigner ce qui advient de
« toute l’humanité errante, située sur
une petite planète perdue dans une
banlieue du cosmos ».
En matière d’éducation, on retiendra que
la complexité est une méthode
d’enseignement ou d'apprentissage qui,
intégrant l’incertitude dans son
cheminement, doit permettre de « lutter
contre l’absolutisme et le dogmatisme
déguisés en savoir véritable » et de
« sortir de l’état de désarticulation et
de fragmentation du savoir
contemporain ».
Bref, un livre un peu dépassé qui n’a
pas su récupérer même un sujet aussi
actuel que la mondialisation. Mais on
est toujours sensible au charme du
système de la pensée complexe et à ses
formules, et l’on n’oublie pas que,
descendue de l’acropole de La Méthode,
elle est arrivée jusqu’à nos
établissements sous la forme du fameux
« décloisonnement ».
Caroline d'Atabekian
- Cultural studies
?Armand Mattelart et Erik Neveu,
Introduction aux "cultural studies" La
découverte repères 2003
Le courant des "cultural studies"
ressemble à l'émergence de l'humain dans
une société technocentrée. Ce mouvement
d'origine britannique, voit aujourd'hui
son importance et ses enseignements sous
les feux de l'actualité avec la question
de la mondialisation et de la
globalisation. Ce mouvement de recherche
s'incarne en France sous le courant de la
sociologie des usages, lié, partiellement
au champ des sciences de l'information et
de la communication. Car c'est bien des
médias que sont apparues les questions
actuelles, alors qu'auparavant elles
émergaient de la condition ouvrière et
de ses difficultés à survivre. Parlons
plutôt d'études en réception pour
qualifier dans un premier temps, pour
ensuite aller plus vers les usages,
c'est à dire tout ce qui fait le
fondement du culturel. Car finalement
c'est parce que la construction de la
culture n'est pas le fait "d'émetteurs"
mais bien de "récepteurs" que la
question se pose.
Toutefois les auteurs de cet ouvrage
nous rappellent que cette approche en
recherche d'un objet aussi fin ne doit
pas faire oublier la dimension politique
au sein de laquelle elle s'inscrit. Car
il y a aussi des possibilités
d'engagement dans ces "cultural
studies",que le chercheur peut
rejoindre. Quant à l'enseignant, il
verra dans ce petit ouvrage un outil
pour mieux comprendre une évolution des
façons de penser la culture, en
particulier sous l'effet des médias.
Bruno Devauchelle
Cepec
- Lecture écriture : objet de
recherche avec écran !Emmanuel Souchier,
Yves Jeanneret, Joelle le Marec (sous la
dir de) Lire écrire, récrire, Objets
signes et pratiques des médias
informatisés Bibliothèque publique
d'information (centre Pompidou) 2003
Diffuser les travaux de recherche est
toujours un travail délicat. S'attacher
à la question de la lecture et de
l'écriture est aujourd'hui entrer dans
la tempête médiatique. En s'en tenant
aux travaux de recherche, les auteurs de
cet ouvrage ont su montrer comment cette
question des usagers des médias nouveaux
face à la lecture est centrale et mérite
qu'on l'approfondisse. Quatre recherches
sont présentées ici : l'une sur les
"trace d'usage" du site Gallica de la
bibliothèque nationale, la deuxième
porte sur la nouvelle forme du texte à
l'écran dans la continuité de la lecture
en général, la troisième porte sur
l'écrit par le réseau et en réseau au
travers de l'analyse du couple
dispositif/technique et la quatrième
porte sur le coté composite des
nouvelles bibliothèques (ici celle de
l'ENS) au sein de laquelle des outils,
dont l'écran fait partie.
Ce travail de recherche peut sembler peu
accessible aux néophites. Toutefois, il
apporte des éléments de compréhension
d'une question centrale pour l'avenir de
l'éducation : que fait-on des écrans qui
nous entourent quand il s'agit de lire ?
Sans prétendre apporter des réponses, il
apporte des éclairages intéressants pour
nous aider à analyser le monde qui nous
entoure. En lien avec le mouvement
actuel de la sociologie des usages, cet
ouvrage démontre une nouvelle fois que
les technologies n'existent que par leur
insertion dans un contexte qui lui même
est complexe par nature.
Bruno Devauchelle
Cepec
- Sociologie de la communication et des
médias, un outil de référenceEric
Maigret, Sociologie de la communication
et des médias, Armand Colin 2003
Le monde des sciences de l'information
et de la communication prend de plus en
plus d'importance dans notre société.
Les ouvrages se multiplient. Pour se
repérer quelques ouvrages tentent de
propose de clarifier les courants et les
objets de travail. Ainsi cette sociologie
de la communication et des médias
propose-t-elle de faire un chemin dans
les travaux des chercheurs et nous
ouvrir à une réflexion sur le lien entre
les médias et les individus au sein d'une
société mondiale traversée par des
courants antagonistes au sein desquels
chacun de nous est invité à être acteur.
On retrouvera dans cet ouvrage trois
parties principales : la première sur la
mise de coté de la question des effets
des médias, la deuxième partie sur le
passage de la production à la réception
et la troisième sur les dernières
questions et tendances et en particuleir
sur les questions posées par Internet.
Ce livre permettra de situer le
questionnement sur les médias au travers
une visite des grands courants de
recherche et permettra de mieux
comprendre les enjeux actuels.
L'enseignant pourra utiliser cet ouvrage
pour disposer de points de repères dans
une production parfois divergentes et
riche
Bruno Devauchelle
Cepec
- Crise des enseignants et
nouveaux métiersJean Pierre Astolfi
(sous la dir de) Education et formation,
nouvelles questions nouveaux métiers, ESF
2003
Publier en ce moment un ouvrage sur les
nouveaux métiers liés aux nouvelles
questions pourrait ressembler à une
provocation concernant l'enseignement.
Et pourtant les textes rassemblés dans
cet ouvrage sont d'une grande richesse
et permettront aux enseignants de
développer une vision prospective qui
semble faire cruellement défaut. Les
termes identités et compétences mis en
écho sont au centre de ces écrits
multiples du laboratoire CIVIC de
l'université de Rouen (Centre
interdisciplinaire de recherche sur les
valeurs, les idées, les identités, et
les compétences en éducation et
formation".
Dans cet ouvrage on trouvera plus
particulièrement (entre autres) des
chapitres sur les nouvelles technologies
en éducation (Jacques Wallet) sur le
français au collège, la question des
enseignants documentalistes, la
philosophie, l'évaluation et la
médiation.
Deux relectures des articles sont
proposées, l'une par Jean Houssaye par
Jean Houssaye qui constate l'impossible
basculement entre enseigner et
apprendre, comme si les enseignants
résistaient, refusaient l'apprendre,
(d'apprendre ?). L'autre lecture de
Philippe Perrenoud est celle d'un
spécialiste (énoncé comme tel par Jean
Houssaye) de la question de l'identité
professionnelle enseignante. D'ailleurs
c'est cette question de spécialité que
note Perrenoud. On irait vers un univers
scolaire peuplé de spécialistes qui
viendraient se substituer, partiellement
aux enseignants. Ce courant est déjà
engagé dans de nombreux domaines, d'où
une difficulté à ne pas être tenté de se
défausser sur ce spécialiste. l'exemple
des TIC est flagrant : il suffit de voir
la place prise par les ex-emplois-jeunes
dans les écoles ou des jeunes docteurs
dans les IUFm pour comprendre ce
mécanisme...
Ce livre pourra certainement constituer
une bonne lecture pour ceux qui
attendent le début des manifestations ou
ceux qui attendent le début des vacances,
ils sont tous concernés
Bruno Devauchelle
Cepec
- Je me souviens... de mes débuts
d'enseignant. Recueil de témoignages
(1947-1992). Coordonné par Annie
Burger-Roussenac. Préface de Mona Ozouf.
CRDP Académie de Créteil (2003) Ce livre
est composé de témoignages écrits par
des enseignants de disciplines et
catégories variées, avec une majorité
d'historiens.
La consigne donnée était "Racontez-moi
en cinq à dix pages, comment, à vos
débuts, vous êtes devenu(e) professeur,
les difficultés que vous avez eu à
surmonter, les problèmes que vous avez
rencontrés, les erreurs que,
rétrospectivement, vous pensez avoir
commises".
Ce qui m'a frappé, dès l'abord, c'est la
diversité des situations, du professeur
nommé dans plusieurs pays à celui qui
reste toute son existence dans le même
lieu, de celui qui est centré sur ses
élèves à celui qui trouve son plaisir
dans sa discipline. Ce qui montre
combien il est difficile de parler " des
enseignants " en général ! Tous
paraissent très impliqués dans leur
travail. Pour tous également les
changements d'établissement sont des
ponctuations dans leur existence ; elles
marquent les étapes de leur vie et leur
façon de faire la classe.
Ce livre est également intéressant dans
la mesure où il illustre le passage du "
professeur artiste " au professeur
considérant son travail comme une "
profession ". Dans un premier groupe les
témoignages sont ceux d'enseignants
n'ayant eu aucune formation autre que
celle du CPR ou de l'Ecole Normale. Peu
en gardent un souvenir utile (autrement
dit , pas de différence avec ce qu'on
entend dire souvent de la formation en
IUFM !). Peu également ont trouvé de
l'aide auprès des collègues. La majorité
situent l'origine de leur " vocation "
dans des raisons familiales ou dans une
identification à un enseignant rencontré
quand ils étaient jeunes. C'est du reste
pour cela qu'ils considèrent l'essentiel
de la formation dans une identification à
un Maître, elle se construit par
l'expérience solitaire et du temps.
Dans un autre groupe, minoritaire, les
enseignants disent avoir reçu de l'aide
par des expériences différentes de
celles acquises dans l'enseignement
proprement dit : animation de colonies
de vacances, formations d'adultes, autre
métier dans le privé...
Les méthodes pédagogiques paraissent
également en évolution ; il y a des
enseignants centrés sur la confection de
leur cours et d'autres qui mettent en
place des expériences pédagogiques dans
lesquelles les élèves sont les
principaux acteurs : on y perçoit tout
un changement de la conception de la
transmission des connaissances.
Ce livre me paraît un bon reflet de la
mutation de cette profession
enseignante. Il permet de comprendre
combien peut être difficile la
reconstruction d'une " identité
professionnelle " qui permettrait aux
enseignants de se sentir de nouveau "
reconnus ". On y voit également à quel
point les enseignants investissent leur
métier et donc comment cette mutation,
loin de toucher seulement des modalités
de son exercice, les touche dans le plus
profond de leur être.
Un livre à lire pour comprendre les
questions actuelles.
Jacques Nimier